Mardi 14 janvier, rien ne sera plus pareil à gauche. Soit le Parti socialiste, Les Écologistes et le Parti communiste auront conclu un accord avec Matignon sur la renégociation de la réforme des retraites, soit ils auront échoué et la France insoumise sortira vainqueur de cette tentative de compromis. Jean-Luc Mélenchon aura beau jeu de souligner la traitrise de ses partenaires et leur naïveté. Ce qu’il fait déjà d’ailleurs.
Négocier ou renverser le gouvernement
On peut considérer qu’il n’y a pas à négocier avec François Bayrou, au motif que le poste de Premier ministre aurait dû revenir à la coalition de gauche arrivée en tête.
La seule tâche de la gauche serait, dans cette optique, de travailler au renversement de l’usurpateur.
Cette pétition de principe, défendue par la France insoumise, est recevable. A ceci près qu’il n’est pas évident que l’opinion adhère à ce travail de sape. D’autant que l’issue en est incertaine. Au bout de combien de gouvernements renversés Emmanuel Macron abandonnerait-il le pouvoir ? Et Jean-Luc Mélenchon peut-il être certain d’être au second tour face à Marine Le Pen en rassemblant tous les républicains derrière lui ?
Après Macron, Le Pen ?
La stratégie de la France insoumise s’apparente à une addition de variables qui pourraient tout aussi bien porter Marine Le Pen ou Édouard Philippe à l’Élysée plutôt que Jean-Luc Mélenchon. Faut-il en prendre le risque ?
Quelle est l’alternative alors ? La gauche non insoumise propose de ne pas voter de motion de censure à l’issue de la discussion budgétaire si le gouvernement revient sur les coupes dans les dépenses publique et les mesures qui les accompagnent (hausse du ticket modérateur, jours de carence, suppression des postes d’enseignants…).
Trouver le chemin de l’abrogation
Il y a un préalable : la suspension de la réforme des retraites, le temps que se réunisse une conférence de financement avec les partenaires sociaux et les formations politiques.
Dans cette démarche, le PS, le PC et les Écologistes ont l’appui des syndicats, ce qui n’est pas rien. Ce vendredi, Sophie Binet indiquait qu’il fallait trouver un chemin vers l’abrogation. La suspension pourrait être le premier kilomètre de ce chemin.
Éric Lombard aurait admis qu’il lui fallait bouger sur les retraites. Dans quelle proportion ? On devrait le savoir d’ici mardi.
Le spectre du hollandisme
Cette ébauche de négociation n’est-elle qu’une manœuvre de l’exécutif pour gagner du temps ? Il est légitime de se poser la question. Car la sincérité des acteurs n’est pas évidente. Sur les socialistes plane toujours l’ombre du hollandisme. Et sur François Bayrou, le soupçon de la duplicité.
Chaque protagoniste joue gros dans cette séquence. Olivier Faure engage l’avenir de son parti, Jean-Luc Mélenchon prend le risque d’une marginalisation durable et François Bayrou voit sa survie dépendre d’une partie de la gauche. Bref, un château de cartes à la merci du moindre courant d’air.
Serge Faubert