Au fil des sondages, on commence à y voir plus clair dans les lignes de force qui structurent le scrutin. Les enquêtes d’opinion ne sont jamais les tables de la vérité. Mais elles nous renseignent sur les mouvements de l’opinion.
Première tendance : la liste Renaissance MoDem Horizons se fait lentement grignoter par la liste socialiste. Au point que les deux courbes pourraient se croiser d’ici quelques semaines.
Les électeurs macronistes retournent au bercail socialiste
Une partie des électeurs macronistes, souvent issus du PS d’avant 2017, retournent au bercail. Et ce avec d’autant plus de facilité que Valérie Hayer, la candidate du bloc présidentiel, a encouragé ce mouvement. Pensant effrayer les électeurs de gauche, elle a insisté sur la proximité de ses propres votes au Parlement européen avec ceux de Raphaël Glucksmann.
Mauvais calcul. Rien n’a bougé dans les rangs socialistes. En revanche, une partie des électeurs macronistes, mal à l’aise depuis le vote de la loi immigration, se sont sentis autorisés à voter pour le candidat de Place publique, puisque celui-ci est « presque pareil » que la tête de liste Renaissance.
Le tête-à-tête installé avec le RN ne fait que renforcer ce dernier
Deuxième tendance : le RN progresse de façon spectaculaire. Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron désigne ce parti comme l’adversaire principal dans l’espoir de le faire reculer. Là encore, le calcul s’est révélé erroné. Loin de faire reculer le RN, ce tête-à-tête a installé le RN en alternative crédible au macronisme. Résultat : le vote Bardella devient le point de convergence de tous les adversaires du chef de l’État.
Troisième leçon : les Républicains ont eux aussi commis une erreur stratégique. Entre leur programme et celui du RN, la différence est de plus en plus minime. Éric Ciotti espérait bien ramener ainsi vers sa liste d’anciens électeurs partis chez Marine Le Pen. Des électeurs que la culture de gouvernement des Républicains aurait rassurés. C’est l’inverse qui se produit.
Une fois encore, à la copie, les électeurs préfèrent l’original. Résultat, LR ne bouge pas d’un millimètre dans les sondages.
Pas de vote utile dans une élection à la proportionnelle
Quatrième tendance : le rééquilibrage à gauche. En 2022, Jean-Luc Mélenchon incarnait le vote utile. Ce n’est plus le cas maintenant. D’abord, parce qu’il s’agit d’un scrutin à la proportionnelle à un seul tour. Pour peu qu’elle dépasse 5 % des suffrages, chacune des composantes de la défunte NUPES est assurée d’avoir des élus. Ni les électeurs socialistes, ni les électeurs écologistes n’ont intérêt, par conséquent, à apporter leurs voix au chef de file des Insoumis. Tout au contraire, il leur faut exprimer leurs différences s’ils veulent que se reconstitue l’union à gauche, autrement qu’autour de la France insoumise.
La guerre à Gaza n’est pas la préoccupation centrale des Français
En faisant de la guerre à Gaza l’axe central de sa campagne, LFI leur facilite la tâche. Non pas que le massacre des Palestiniens doive être passé sous silence. Mais ce conflit, sur lequel notre pays n’a que peu de prise, n’est pas la préoccupation centrale des Français, ni même des quartiers populaires où les Insoumis croient que se joue leur avenir en 2027. Ce sont bien davantage les questions de pouvoir d’achat, de qualité des services publics, de défense de la protection sociale et de sécurité qui mobilisent les classes populaires.
Jean-Luc Mélenchon se met en danger
À plusieurs reprises, Jean-Luc Mélenchon a présenté le scrutin du 9 juin comme le premier tour de l’élection présidentielle de 2027. Si, au soir du scrutin, la liste de Manon Aubry n’arrive qu’en 4e position, la figure historique de LFI risque bien d’être obligé d’en tirer des conséquences sur son éventuelle candidature en 2027.
La campagne lunaire des écologistes
Enfin, dernier enseignement de ces enquêtes d’opinion, les écologistes ne parviennent pas à percer. Alors même que ce mouvement est sans doute, avec Renaissance, le plus européiste du scrutin. La faute, sans doute, au choix d’une tête de liste peu connue. Et d’une campagne qu’il faut bien qualifier de lunaire. Danser le twerk est certes sympathique, mais ne peut que renforcer la perception caricaturale du mouvement par les Français.
Il reste deux mois aux uns et aux autres pour faire bouger les lignes. Ce ne pourra être qu’à la marge, désormais.
Serge Faubert