Tout ça pour ça. Sur les 20 ministres et secrétaires d’État nommés jeudi soir, 15 d’entre eux appartenaient au gouvernement précédent. Était-il vraiment nécessaire que le plus jeune Premier ministre de la Ve République prenne 28 jours – le plus long délai jamais enregistré – pour aboutir à ce résultat ?
Belloubet à contre-emploi
Car sur les cinq petits nouveaux, seul se détache le profil de Nicole Belloubet, qui fut ministre de la Justice pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. On ne peut pas dire qu’il s’agisse là d’une prise de guerre, quand bien même cette juriste a été socialiste.
Sur le papier, la remplaçante d’Amélie Oudéa-Castéra présente le profil requis. Professeure de droit public, elle fut rectrice de l’académie de Limoges puis de Toulouse. Mais sa mission est de mettre en place une politique dont elle est l’adversaire. En son temps, en effet, la nouvelle ministre avait condamné le port de l’uniforme à l’école.
Peut-on insulter une religion ?
Au moment de l’affaire Mila – cette jeune femme qui a été harcelée sur les réseaux sociaux après s’en être prise en termes assez vifs à l’islam – Nicole Belloubet avait déclaré qu’insulter une religion est une atteinte à la liberté de conscience. Affirmation qui est fausse au regard du droit et des principes de la laïcité. Ce qui laisse présager quelques dérapages sur cette question sensible.
Gabriel Attal en est lui-même conscient. Au point qu’il a pris soin de déminer cette nomination : « On peut avoir pris des positions par le passé et avoir évolué. Encore heureux qu’on ne soit pas tous figés dans nos avis ».
Chiffons rouges
Côté chiffon rouge, l’arrivée au ministère du logement de Guillaume Kasbarian, député Renaissance de l’Eure-et-Loir, coche toutes les cases. Cet ultralibéral est notamment l’auteur d’une loi qui facilite l’expulsion des locataires qui n’ont pas payé leur loyer. Déjà la gauche et les associations de mal-logés tempêtent.
Dans ce registre on peut également inclure le méconnu Frédéric Valletoux, député de Seine-et-Marne, président de la fédération hospitalière pendant onze ans. Entre lui et les médecins généralistes, existe un fort passif qui ne rendra pas le dialogue aisé.
S’il n’y avait eu la bouffée égotique de François Bayrou, personne n’aurait remarqué cette seconde vague. L’effet de souffle recherché avec la nomination de Gabriel Attal est bien vite retombé. Le nouveau Premier ministre a déjà les cernes d’Élisabeth Borne. Et bientôt, il affichera la même lassitude, celle d’un exécutif qui ne sait pas trop où il va, faute de majorité à l’Assemblée nationale.
Serge Faubert