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Emmanuel Macron veut bâtir un programme commun à tous les partis avant de désigner un Premier ministre

Boris Vallaud, député Socialistes et apparentés et président du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale, le 9/12/2024 ©FranceInter

Dieu a-t-il parlé à Jupiter ? Il ne semble pas. Certes, les voies du seigneur sont impénétrables, mais le vicaire de l’Élysée, chanoine de Latran qui plus est, aurait pu rencontrer un signe de la providence au détour d’un pilier de Notre-Dame. C’est râpé. Du coup, notre Don Camillo propose une réunion œcuménique.

Une réunion des différentes forces politiques pour échanger sur une plateforme programmatique. Les écologistes, en tout cas c’est une demande qu’ils ont depuis mercredi dernier, puisque dès mercredi dernier le groupe Écologiste et social a proposé 11 priorités pour une plateforme programmatique. Aborder la question par le contenu de la politique menée est pour nous un élément important.

Cyrielle Chatelain, députée Écologiste et social et présidente du groupe Écologiste et social à l’Assemblée nationale, le 9/12/2024

Des airs de IVe République

Cette solution rappelle furieusement la IVe République. L’équivalent du Premier ministre, le président du Conseil, était investi par l’Assemblée. Et une fois le gouvernement formé, les députés étaient appelés à ratifier ce dernier. Comme quoi c’est toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Ici, pour l’heure, il ne s’agit que de définir un programme commun. Sur les retraites ou l’immigration, ça promet d’être sportif. Sans parler du budget. En revanche, sur l’agriculture ou la fin de vie, il peut y avoir des compromis.

L’idée séduit Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste qui était reçu à l’Élysée ce matin.

On n’a pas parlé de plateforme en ligne mais en tout cas ce qui est sûr c’est que les partis politiques et les groupes parlementaires des forces qui sont prêtes à travailler, à trouver des solutions ensemble, vont devoir se mettre d’accord sur des positions communes. Et il faut que chacun s’y retrouve. C’est ce sur quoi nous avons discuté.

Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF, le 9/12/2024

Le temps presse

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, estime également que des convergences sont possibles.

Nous n’avons pas la faculté de nous entendre. Nous avons l’obligation de nous entendre, et il faut le faire vite. Il faut le faire vite, il s’agit de se mettre d’accord sur ce que l’on va faire ensemble. Moi je commence à en avoir un petit peu marre. On entend parler depuis quelques jours que de noms.

Le sujet ce ne sont pas des noms, c’est de savoir ce qu’on veut faire ensemble. Et je pense qu’il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous pouvons nous mettre d’accord.

Yaël Braun-Pivet, députée EPR et présidente de l’Assemblée nationale, le 8/12/2024

Qu’il faille aller vite, c’est certain. Il faudra voter un nouveau budget, puisque la loi spéciale qui est en préparation ne fera que reconduire celui de l’année écoulée. Admettons que des passerelles puissent être trouvées. Il faudra bien quelqu’un pour mettre en œuvre ce programme minimum. Pour les socialistes qui ont été reçus vendredi à l’Élysée, il est exclu que le prochain Premier ministre ne vienne pas des rangs de la gauche.

Si ça n’est pas un Premier ministre de gauche, d’abord, nous ne participerons pas à ce gouvernement. Il faut bien être clair. Nous ne sommes pas en train de chercher une coalition. Nous ne sommes pas en train de construire un programme commun avec le bloc central. Nous sommes en train de nous poser la question de savoir comment être utile aux Françaises et aux Français tout de suite, parce que les urgences ne vont pas attendre 30 mois.

Si c’est un Premier ministre issu du bloc central, si c’est un Premier ministre issu de la droite, il n’y aura pas de ministre socialiste. Il n’y aura pas de participation au gouvernement.

Boris Vallaud, député Socialistes et apparentés et président du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale, le 9/12/2024

Le bruit et la fureur

Cette entrevue avec le chef de l’État a provoqué la fureur de Jean-Luc Mélenchon.

“LFI n’a donné aucun mandat à Olivier Faure, ni pour aller seul à cette rencontre, ni pour négocier un accord et faire des “concessions réciproques” à Macron et LR. Rien de ce qu’il dit ou fait n’est en notre nom ou en celui du NFP.”

Une réaction lunaire. Pourquoi le PS, agissant sous ce seul drapeau, aurait-il dû demander la permission de Jean-Luc Mélenchon pour rencontrer le président de la République ? Quand la France insoumise a lancé le processus législatif pour la destitution d’Emmanuel Macron, elle n’a consulté aucun de ses partenaires du Nouveau Front Populaire. Et si ces derniers ont été agacés, ils se sont gardés de toute réaction épidermique. C’est la vie des partis.

Mais Jean-Luc Mélenchon a une dent contre Olivier Faure. Et même la mâchoire complète. Dans sa dernière note de blog, il accuse Olivier Faure d’être un vulgaire opportuniste. “Il veut être absolument Premier ministre. Peu lui importe de qui et comment.” Bien sûr, on peut lire la séquence avec les lunettes du révolutionnaire contemplant l’éternelle trahison des sociaux-démocrates.

Mais dans cette histoire, y-a-t-il vraiment les purs et les durs d’un côté et les invertébrés de l’autre ? Deux lignes s’affrontent au sein du NFP. Non pas sur le fond, mais sur la stratégie. La France insoumise parie sur la démission prochaine de Macron. Dans la note de blog dont je vous parlais à l’instant, Jean-Luc Mélenchon écrit ceci : “Ici et maintenant, la ligne de pente qui chemine du vote aux élections législatives le 7 juillet vers le départ du président de la République est fermement ancrée dans la chaîne des causes et des conséquences. Elle reste la plus forte probabilité.”

Le chef de file de LFI a peut-être raison. Mais que se passe-t-il pour les Français si la forte probabilité identifiée par Jean-Luc Mélenchon ne se confirme pas ? Ils patientent jusqu’en 2027 en laissant le Rassemblement national jouer les arbitres ? Ou bien alors faut-il tenter de prendre ce qui peut être pris.

Quand le rapport de force ne permet pas d’appliquer “tout le programme, rien que le programme” un petit morceau de programme vaut mieux que rien du tout. C’est la position défendue par François Ruffin.

Moi, je ne censurerai pas tout gouvernement qui viendra poser pour les Français de nouvelles recettes, notamment le retour d’un Impôt de Solidarité sur la Fortune, on abolit la retraite à 64 ans, et troisième point, on vient relever les salaires d’au moins 7 %.

François Ruffin, député Écologiste et social, le 8/12/2024

Les macronistes font des macroneries

Mais ce débat a peu de chances de prospérer. Car les macronistes n’ont pas l’intention de bâtir des compromis avec la gauche. Écoutez Aurore Bergé dessiner le prochain gouvernement. Pour Matignon, elle voit François Bayrou.

Il est extrêmement légitime. C’est un homme qui est un homme d’expérience, qui est un homme de rassemblement. On travaille avec lui main dans la main depuis 2017. Après, il a toujours gardé, et peut-être que c’est appréciable dans la période, une indépendance de vue et d’esprit.

Aurore Bergé, députée EPR, le 9/12/2024

Et à l’Intérieur, elle milite pour un homme qui incarne le consensus.

Est-ce que vous êtes favorable à ce que Bruno Retailleau reste à Beauvau ? Oui, moi j’y suis favorable. Je préfère le dire clairement. Ce n’est pas un frein au rassemblement ? Écoutez. C’est le ministre qui a su s’imposer dans l’opinion publique dans les trois derniers mois.

Aurore Bergé, députée EPR, le 9/12/2024

Le Rassemblement national est exclu des discussions

Le Rassemblement national ne sera pas reçu par le Président de la République. Dimanche, Jordan Bardella affectait de voir dans cet ostracisme la confirmation d’une collusion entre les autres partis.

C’est une clarification. On a le parti unique. On a monsieur Wauquiez président, je crois, des Républicains, ce qu’il en reste, qui vient devant le président de la République en disant “on est prêt à participer à un gouvernement avec la gauche”. On a Emmanuel Macron qui considérait la France insoumise comme un mouvement antisémite, qui vient dire “désormais on va les inviter à l’Élysée pour négocier”.

Jordan Bardella, député européen RN et président du RN, le 8/12/2024

A l’évidence Emmanuel Macron est plus à l’aise pour prêcher que pour choisir. Il rêve d’une Union nationale où la gauche viendrait pareille aux bourgeois de Calais, pieds nus, la corde au cou, tendant les clés du NFP à la droite. Certes, Noël c’est dans quinze jours. Mais Emmanuel Macron est un grand garçon maintenant. Personne ne lui fera des cadeaux.

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