Site icon Pure politique

Élisabeth Borne, Gérald Darmanin et Gabriel Attal tirent à boulets rouges sur Michel Barnier

Élisabeth Borne, députée EPR et ancienne Première ministre, le 30/09/2024 ©RMC

Mais qui soutient Michel Barnier ? Le Premier ministre n’a pas encore prononcé sa déclaration de politique générale – ce sera demain à l’Assemblée – qu’il apparaît de plus en plus isolé. Le fameux bloc central se lézarde à la vitesse grand V. Gérald Darmanin lançait dimanche à Tourcoing son mouvement. “Populaires”. Avec un S.

Mais je sais que nous serons aussi nombreux à ne pas pouvoir soutenir un gouvernement qui augmenterait les impôts. Augmenter les impôts, c’est la facilité. Augmenter les impôts, c’est décourager l’initiative. Augmenter les impôts, c’est ouvrir des usines à chômage. Augmenter les impôts, c’est ne pas respecter le travail.

Gérald Darmanin, député EPR et ancien ministre de l’Intérieur, le 29/09/2024

Michel Barnier est un dangereux bolchévique

Pas de bol, c’est justement ce que se propose de faire le nouveau Premier ministre. Dans les cartons de Matignon, il y aurait le projet d’une contribution exceptionnelle sur les grands groupes. Ceux qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros. Objectif, faire rentrer 8 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses du trésor.

Comment ? En remontant le taux de l’impôt sur les sociétés. En 2018, Emmanuel Macron l’a ramené de 33,5 % des bénéfices imposables à 25 %. Matignon se propose de revenir temporairement à 33,5 %. Deuxième piste, la taxation du rachat d’actions. Plutôt que de verser des dividendes à leurs actionnaires, les grands groupes rachètent une partie de leurs propres actions avant de les annuler. Ce qui fait monter mécaniquement la valeur des actions restantes. Les actionnaires voient ainsi leur capital augmenter sans que la plus-value soit taxée.

Michel Barnier serait donc en réalité un dangereux bolchévique. Un infiltré du Nouveau Front Populaire à Matignon. Ce n’est pas moi qui le dis, mais 27 députés d’Ensemble pour la République qui le clament dans les colonnes de la Tribune dimanche. “La justice sociale ne saurait constituer le prétexte d’un défouloir fiscal : toute hausse d’impôt contribuerait à dégrader la compétitivité retrouvée de notre pays, à rompre le pacte de confiance noué avec les Français, à faire fuir les entreprises et à condamner tout partage de la valeur.”

En 7 ans de macronisme, la dette de la France a augmenté de 1000 milliards. Les inégalités se sont accrues et le pouvoir d’achat est en berne. Mais il se trouve quand même une poignée de députés macronistes pour persister dans une politique de l’offre. Si ce n’est pas là être prisonnier d’un dogme…

Ennemis jurés dans le précédent gouvernement, Gabriel Attal, qui préside désormais le groupe EPR à l’Assemblée, et Gérald Darmanin font aujourd’hui front commun contre Michel Barnier. Et qui s’invite à la fête ? Élisabeth Borne. L’ancienne Première ministre, candidate à la présidence de Renaissance, a expliqué ce lundi matin qu’elle comptait bien cultiver sa différence.

Il faudra bâtir des compromis, en responsabilité. Il faut à la fois que le gouvernement et les parlementaires fassent preuve de responsabilité avec une priorité qui est de pouvoir adopter un budget. Mais donc, dans ce contexte, ça redonne aussi une certaine liberté.

Élisabeth Borne, députée EPR et ancienne Première ministre, le 30/09/2024

Avec de pareils amis politiques, pas besoin d’ennemis. Michel Barnier peut néanmoins se consoler. Marine Le Pen va être très occupée pendant les deux mois qui viennent. Elle comparaît avec 27 autres cadres du Rassemblement national devant le tribunal correctionnel de Paris.

On reproche à la présidente du groupe parlementaire et à ses co-prévenus d’avoir utilisé au profit du parti des collaborateurs rémunérés par le Parlement européen. Un système qui aurait permis de détourner de 2004 à 2016 près de 7 millions d’euros. Le RN, bien sûr, conteste cette lecture des faits.

On ne reproche pas de faux emplois, on reproche que ces emplois n’aient pas été faits au bénéfice du Parlement européen. Mais moi je dis une chose : nos collaborateurs ne sont pas les collaborateurs du Parlement européen. Ce sont les collaborateurs des députés Rassemblement national qui contestent le fonctionnement et la finalité de cette Union européenne telle qu’elle est construite aujourd’hui.

Sébastien Chenu, député RN, le 29/09/2024

Marine Le Pen est menacée d’inéligibilité

Si sa culpabilité est retenue par le tribunal, Marine le Pen encourra une très forte amende et surtout une peine d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à 10 ans. Surtout, dans l’hypothèse la moins favorable à l’accusée, les magistrats pourraient prononcer l’exécution provisoire de la peine en question. Autrement dit, celle-ci deviendrait effective sans attendre l’épuisement des voies de recours.

Marine Le Pen serait alors interdite d’élection présidentielle. Elle ne pourrait pas davantage briguer un nouveau mandat de député. Et si l’Assemblée nationale venait à être dissoute l’été prochain, la présidente du groupe parlementaire se retrouverait définitivement écartée de la vie politique. Ce n’est donc pas un petit procès qui va se tenir pendant deux mois. L’enjeu politique est énorme. Et bien sûr, l’attitude du Rassemblement national envers le gouvernement évoluera au gré des débats judiciaires.

Justement le groupe lepéniste a préparé un piège à double détente pour sa journée d’initiative parlementaire du 31 octobre. Je vous ai déjà raconté comment la formation d’extrême droite comptait mettre en porte-à-faux le Nouveau Front Populaire en proposant l’abrogation de la réforme des retraites. La question est réglée : la gauche ne votera pas le texte du RN. En revanche, elle présentera sa propre proposition de loi sur les retraites le 28 novembre.

Du côté de la droite et le gouvernement, c’est une autre histoire. Parmi les 7 propositions de loi qui seront présentées le 31 octobre, deux vont diviser les soutiens parlementaires du gouvernement. La première prévoit l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits. La seconde entend assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public. Jean-Philippe Tanguy a annoncé la couleur.

Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait s’y opposer. Je ne vois pas d’argument venant ni de monsieur Retailleau ni de monsieur Barnier par rapport à leur parcours politique..

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 26/09/2024

S’il en est un que ces propositions de loi n’effraieront pas, c’est bien Bruno Retailleau. Dimanche, sur LCI, il déplorait que la Constitution ne permette pas d’organiser un référendum sur l’immigration.

La voie du référendum, elle est vraiment fondamentale. Vous savez que ça vous remet dans l’aire, disons, du Rassemblement national. Ce n’est pas parce que Marine Le Pen défend une solution que moi je devrais retourner ma veste.

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, le 29/09/2024

Bruno Retailleau est en roue libre

La veille, dans le Journal du Dimanche, le ministre de l’Intérieur s’en était pris aux fondements de la République. “L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain.”

Yaël Braun-Pivet lui a répondu ce lundi matin.

J’étais assez inquiète, hier, lorsque j’ai vu les déclarations du ministre de l’Intérieur, lorsqu’il dit “l’État de droit n’est ni intangible ni sacré”. Il faut savoir que l’État de droit c’est ce qui protège nos concitoyens. L’État de droit c’est le principe de séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire.

Yaël Braun-Pivet, députée EPR et présidente de l’Assemblée nationale, le 30/09/2024

25 jours après sa nomination, Michel Barnier est déjà suspendu dans le vide. Autour de lui, les appétits se déchaînent. Le Premier ministre est conscient de sa fragilité. Au point qu’il a renoncé à demander un vote des députés à l’issue de sa déclaration de politique générale. Le compte à rebours est enclenché.

Quitter la version mobile