Réunion de crise hier après-midi à l’Élysée. Entre deux entraînements, Manu Balboa a convoqué en urgence Gabriel Attal, le Premier ministre, Bruno Le Maire, le ministre des Finances, Thomas Cazenave, le ministre du budget, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, Catherine Vautrin, la ministre du Travail et Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique. Le soir, ce sont les responsables de la macronie qui ont été invités à la table présidentielle.
Pourquoi tout ce remue-ménage ? Parce que le chef de l’État s’alarme de la dégradation des finances du pays. Le 26 mars, en effet, on connaîtra le chiffre définitif du déficit pour 2023. Il s’annonce bien plus élevé que prévu. Le gouvernement tablait sur un déficit équivalent à 4,9 % du PIB. En réalité, le pourcentage tournera autour de 5,5 %. Ce qui va se traduire par de nouvelles réductions de la dépense publique. Mardi, déjà, Bruno Le Maire avait déclenché la balise de détresse.
Nous devons réduire nos déficits. Nous devons couper dans un certain nombre de dépenses et nous devons revenir sous les 5 % de déficit public en 2027 et à l’équilibre de nos finances publiques d’ici une dizaine d’années. Faites-moi des propositions d’économies. Arrêtez de me faire des propositions de dépenses supplémentaires. Ce slogan, “je dépense donc je suis”, qui est trop répandu dans la classe politique française doit être remplacé par celui : “j’économise donc je suis et donc je protège !”.
Bruno Le Maire le 19/03/2024
Où est passé le pognon de dingue ?
“Je protège !” dit Bruno Le Maire. La formule renvoie au nouveau livre du patron de Bercy “la voie Française”. Ce n’est plus le ministre des finances, c’est le ministre du temps libre.
Bruno Le Maire ferait bien de balayer devant sa porte avant de faire la leçon aux Français. Quand il a pris ses fonctions en 2017, la dette s’élevait à 2 226 milliards. En 2023, elle a atteint 3 088 milliards. En 7 ans, le grand argentier a donc claqué 862 milliards. Même si l’on retranche les 145 milliards du “quoi qu’il en coûte” lié au Covid, le surcroît de dépenses reste conséquent : 717 milliards. Et pourtant les Français tirent la langue. Et pourtant les services publics s’effondrent. Où est donc passé ce pognon de dingue ? Réponse : dans les poches des entreprises. Soyons clairs. Qu’on aide les TPE et les PME, c’est indispensable. Mais qu’on subventionne sans contrepartie des groupes qui, en fin de compte redistribuent ce pactole à leurs actionnaires, c’est inadmissible. “Plus de gratuité” dit Bruno Le Maire. Alexis Corbière lui répond.
Quand il ose dire que l’État-providence maintenant ça suffit… Ah bon il y a trop de services publics en France ? Qui considère qu’il y a trop de services publics ? Partout où je vais, écoutez à l’hôpital l’autre fois ma gamine était brûlante de fièvre un dimanche, on attend des heures. On attend des heures parce que les médecins qui sont là sont débordés. L’école, honnêtement, selon les départements et les endroits où vous habitez, moi je suis prof, je suis un défenseur farouche de l’école, mais objectivement ce n’est pas vrai qu’on a l’impression que nos gamins vont tous dans les mêmes écoles, un lycée du centre de Paris ou un lycée en banlieue ou selon qu’on a les moyens d’aller dans le privé ou pas.
La police : chez moi je réclame un commissariat de plein exercice. J’habite une des villes, Bagnolet à côté de Paris, il n’y a même pas de commissariat. Il n’y en a pas. C’est un endroit dans lequel il y a un grand “four” comme on dit où ça vend de la drogue mais là il n’y en a pas, c’est la ville à côté.
Alexis Corbière le 19/03/2024
Austérité en vue
Mais ce sont surtout les comptes sociaux qui vont supporter l’essentiel des économies. C’est plus facile que de mettre à contribution le CAC 40. Vouloir entamer les allocations chômage encore un peu plus comme annoncé, vouloir s’attaquer aux affections longue durée, en fait c’est s’attaquer à tout le monde parce que c’est beaucoup plus facile, effectivement, de s’attaquer aux pauvres, aux plus défavorisés que de s’attaquer à certains lobbies et à certaines niches fiscales en direction par exemple de grandes entreprises qui ne profitent évidemment qu’à un petit nombre. Même un homme de droite comme Olivier Marleix estime qu’il faut arrêter de pousser Mémé dans les orties.
Le déficit 2023 sera probablement supérieur à 5 % du PIB. Pire que l’année 2022. Il y a une aggravation alors que la crise Covid est désormais derrière nous. Ce qu’il y a de très inquiétant c’est que quand on écoute le gouvernement on comprend que les Français vont devoir payer la facture de cette dette.
Ca se voit d’ores et déjà sur les dépenses de santé où on a des mesures de déremboursement à la fois sur des frais dentaires, on les a aussi sur les franchises sur les médicaments qui ont doublé, on va l’avoir, il y a un vrai risque aujourd’hui, sur la désindexation des retraites même si le président de la République fait tout pour éviter ce débat d’ici les européennes. Et puis on va sans doute l’avoir, le gouvernement ne s’en cache pas, sur l’indemnisation du chômage.
Le président a été inconséquent dans ses choix et malheureusement l’heure approche pour les Français de payer l’addition. C’est évidemment absolument scandaleux et navrant.
Olivier Marleix le 19/03/2024
Ce gouvernement est décidément fâché avec les chiffres. Il s’est joyeusement planté en retenant une hypothèse de croissance exagérée pour construire le budget 2024. Au lieu des 1,4 % attendus, la croissance ne dépassera pas les 1 %. Résultat, le mois dernier, Bruno Le Maire est venu annoncer devant les caméras qu’il allait raboter de 10 milliards les dépenses inscrites au budget adopté deux mois plus tôt. Pour 2025, il prévoit de rayer 20 milliards supplémentaires. Et ce n’est qu’un début. La Cour des comptes a calculé que, d’ici à 2027, le total des coups de rabot devra atteindre 50 milliards. Du moins si le gouvernement veut ramener le déficit sous la barre des 3 %, comme il s’y est engagé.
C’est le 26 avril que Fitch et Moody’s livreront leurs estimations sur la dette française. Standard & Poor’s fera de même, quelques semaines plus tard. L’heure de vérité risque de sonner avant que les Français aient glissé un bulletin dans l’urne.