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Défense européenne : Emmanuel Macron lâche une bombe

Emmanuel Macron à la Sorbonne le 25/04/2024 ©Élysée

Les enfants et les présidents de la République ont ceci de commun qu’ils peuvent s’exprimer sans filtre. Une idée surgit ? Ils la verbalisent aussitôt sans se soucier d’éventuelles conséquences. Puis ils retournent à leurs jeux. Parfois même, ils oublient ce qu’ils ont dit cinq minutes plus tôt. Emmanuel Macron nous a habitués à ces enfantillages. Souvenez-vous de l’appel à une croisade internationale contre le Hamas. Le président était alors en Israël aux côtés de Benyamin Netanyahou. 48 heures plus tard, après avoir rencontré le chef de l’autorité palestinienne et le président égyptien, le président français évoquait une simple croisade humanitaire. On l’avait mal compris. Depuis, silence radio. La croisade a fini par se croiser les bras. Samedi, le Mozart de la politique a été saisi par une nouvelle inspiration militaire. Il veut mettre nos missiles nucléaires à la disposition de l’Europe. Emmanuel Macron l’a confié dans un entretien accordé aux journaux du groupe Ebra.

Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible.

Emmanuel Macron le 27/04/2024

Initiative européenne de défense

Deux jours plus tôt, le chef de l’État avait effleuré le sujet, lors de sa grande causerie sur l’Europe à la Sorbonne. Mais personne n’avait prêté attention à la phrase. Les grands esprits vont parfois trop vite pour nos petites cervelles.

Dans les prochains mois, j’inviterai tous nos partenaires à bâtir cette initiative européenne de défense qui doit d’abord être un concept stratégique dont nous déduirons ensuite les capacités pertinentes : antimissile, tir dans la profondeur, comme toutes les capacités utiles. La France y jouera tout son rôle, nous qui avons un modèle d’armée complète dont l’objectif est d’être l’armée la plus efficace du continent et qui sommes aussi dotés de l’arme nucléaire et donc de la capacité de dissuasion qui va avec. La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française, elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen.

Emmanuel Macron le 25/04/2024

Le président de la République a donc décidé, tout seul, de déployer le parapluie nucléaire français au-dessus de l’Europe. Pourtant, la doctrine prévoit que l’arme nucléaire est là pour préserver nos seuls intérêts vitaux. Mais pour François Bayrou il n’y a pas de contradiction. La situation a changé depuis l’époque du Général de Gaulle.

Elle est faite pour défendre les intérêts vitaux de la France. Et les intérêts vitaux de la France, aujourd’hui, c’est l’Europe. Il peut se passer, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles un gouvernement français, des dirigeants français décident qu’une menace sur l’Europe est une menace contre la France.

François Bayrou le 28/04/2024

C’est un véritable tournant que le président et son allié du MoDem envisagent. La France pourrait tirer ses missiles alors même que le territoire national ne serait pas menacé. Concrètement, cette doctrine permettrait demain de déclencher le feu nucléaire sur les forces russes si celles-ci tentaient, par exemple, d’envahir la Moldavie ou les États Baltes. “Mais la France est membre de l’OTAN” objectera-t-on. “Et ce pacte nous impose déjà de venir en aide aux autres membres en cas d’agression.” Oui, mais dans le cadre d’une utilisation des forces conventionnelles. La doctrine Macron sanctuarise l’ensemble du territoire européen et mutualise le feu nucléaire. Dans cette optique, la Moldavie ou les pays Baltes, pour reprendre notre exemple, pourraient être regardés comme une parcelle du territoire national. Et donc justifier l’emploi de la bombe sans même que l’on passe par l’étape des forces conventionnelles.

La question de la dissuasion nucléaire

Si l’Europe était un État fédéral, pourquoi pas. Mais justement l’Union européenne n’est pas une fédération. Chaque pays reste maître de sa diplomatie et de ses armées. Dès lors, la question est simple : Sommes-nous prêts à tirer nos missiles – et donc à nous exposer à une riposte – pour faire face à une situation que d’autres gouvernements auraient pu provoquer ou, en tout cas, sur laquelle nous n’aurions aucune maîtrise ? Pour Mathilde Panot, la transformation du parapluie nucléaire français en parapluie nucléaire européen est une illusion.

Le principe de la dissuasion fonctionne justement parce qu’on sait qu’il est possible de l’utiliser. Or, personne ne croira une seule minute que nous allons utiliser l’arme nucléaire pour un autre pays. Donc ça n’a aucun sens si ce n’est d’accroître les risques d’un conflit nucléaire qui serait catastrophique pour l’humanité toute entière.

Mathilde Panot le 28/04/2024

À droite, on souligne l’absurdité d’un tel projet. Les mécanismes de décision, différents dans chaque pays, rendent impossible un déclenchement concerté du feu nucléaire.

Ça n’a aucun sens. La dissuasion nucléaire, elle repose bien sûr sur la maîtrise d’une technologie, et en déposséder les Français c’est évidemment une forfaiture. Pour que l’armée allemande aille intervenir sur un théâtre d’opération il faut que le parlement allemand se réunisse, qu’il lui donne un mandat, qu’un débat ait lieu et que les conditions précises d’ouverture du feu soit définies par les députés allemands. La dissuasion nucléaire, elle repose sur l’inverse. Sur la légitimité très forte d’un président de la République élu au suffrage universel qui peut décider seul.

François-Xavier Bellamy le 28/04/2024

Ce débat n’est pas à prendre à la légère. Car il peut précipiter la France dans un engrenage irréversible auquel le pays n’est pas certain de survivre. Qu’un président le pose ainsi, en ignorant superbement la représentation nationale, parce qu’il est le chef des armées, n’est pas recevable. Si le chef de l’État est celui qui appuie sur le bouton, la doctrine, elle, doit être débattue devant les députés et les sénateurs. Il y va juste de notre avenir sur cette terre. Trois fois rien…

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