
Cette omniprésence médiatique du Premier ministre devient insupportable. Les mêmes mots, les mêmes mimiques. Et surtout ce faux suspense entretenu pour donner l’impression que tout peut basculer. Un mélodrame dont le principal protagoniste semble évoluer dans une réalité alternative.
Je suis absolument persuadé que ça peut bouger. Comment ? Si les Français, dans la semaine qui vient, disent : “Mais tout ça est dingue !”.
François Bayrou, Premier ministre, le 31/08/2025
Ce qui est dingue, c’est d’avoir été chercher un Premier ministre appartenant à une formation politique qui est la 7e par ordre d’importance à l’Assemblée après avoir tenté l’expérience avec une formation – Les Républicains – qui est à la 5e place. Si le château de cartes s’écroule, c’est parce qu’Emmanuel Macron a refusé de se plier à la logique institutionnelle. Il avait le choix : appeler un représentant de la coalition ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, le Nouveau Front populaire, ou bien désigner un représentant du parti ayant, à lui seul, le plus gros effectif de députés, c’est-à-dire le Rassemblement national. Hors de cette alternative, tout le reste ne pouvait déboucher que sur l’épisode loufoque du moment.
Après avoir dégainé sa tronçonneuse budgétaire dans la confidentialité de l’été, voilà que le Premier ministre se préoccupe tout à coup de savoir si l’on partage son appréciation de la situation. Pourtant, dans le Béarn agricole, on ne met jamais la charrue avant les bœufs. François Bayrou veut vérifier par un vote de confiance que les Français sont d’accord avec son analyse sur l’emballement de la dette. Avant même que les députés ne se prononcent, il a eu sa réponse.
À droite, on considère que la situation résulte d’une dépense publique incontrôlée. À gauche, on pointe un déficit de recettes à force d’exonérations fiscales et sociales qui profitent aux grandes entreprises et aux ménages les plus fortunés. Depuis 2017, la dépense publique n’a que faiblement varié. En revanche, comme l’a chiffré la Cour des comptes, la baisse des prélèvements entamée en 2017 représente aujourd’hui un trou annuel pour l’État de 62 milliards d’euros. Entre ceux qui veulent mettre à contribution l’ensemble des Français, pour résorber le déficit – à commencer par les plus fragiles – et ceux qui veulent faire payer les ultra riches, il n’y a pas de moyen terme. Depuis la première élection d’Emmanuel Macron, la dette de la France a augmenté de 1000 milliards.
A-t-on entendu le président du MoDem alerter, protester, menacer ? Non, il a continué de soutenir les gouvernements qui se sont succédés 8 ans durant. A ce titre François Bayrou est donc pleinement comptable de la situation actuelle. Mais comme Richard Virenque, le cycliste qui se dopait à l’insu de son plein gré, le Béarnais se pose en victime.
Tous les opposants, sans exception, exigeaient qu’on fasse plus, sont montés à la tribune. Vous hochez la tête parce que vous les avez vus, sans exception. Ils montaient à la tribune pour dire : “Mais, ce n’est pas assez, ça ne suffit pas”. Et deuxièmement, votre formule laisse entendre que c’est les gouvernements qui dépensent l’argent. Ce n’est pas vrai. Ce sont les Français.
François Bayrou, Premier ministre, le 31/08/2025
Quels salauds, ces Français. Voilà qu’ils ont l’outrecuidance de dépenser l’argent qu’ils reçoivent. Sans parler des oppositions qui veulent toujours leur en donner davantage. Pauvre François ballotté entre les manants et les démagogues. Le petit père la vertu n’a rien pu faire. Pleurez avec lui, brave gens. Et gardez le mouchoir à portée de la main. Car le mélodrame atteint son acmé lorsque surgit l’incontournable couplet sur les générations futures. Vous ne le saviez pas, mais le monde des boomers, c’était le jardin d’Eden. Un fleuve de miel. Qu’importe la guerre d’Indochine, celle d’Algérie, l’exode rural, les bidonvilles, la condition ouvrière, l’espérance de vie inférieure de 10 ans à celle d’aujourd’hui… Tout était facile jusqu’au jour où Valéry Giscard d’Estaing croqua la pomme de la dette. Un président dont était très proche François Bayrou.
Je veux réveiller les aînés parce que je suis sûr qu’ils sont solidaires avec ce que je dis. Ce sont leurs enfants, ce sont leurs petits-enfants, et vous croyez qu’ils sont indifférents à leur sort ? L’abattement de 10 %, vous le gardez ? Vous ne croyez pas qu’ils sont malheureux quand ils les voient tellement inquiets de leur avenir, et tellement… avec le sentiment qu’on ne s’occupe pas d’eux ?
François Bayrou, Premier ministre, le 31/08/2025
Dingue
Venant de quiconque, ces paroles seraient recevables. Mais que le responsable politique qui a fait preuve d’une indifférence coupable à l’égard du sort des enfants de Bétharram ait le culot de se poser en défenseur de la jeunesse laisse pantois. Plus c’est gros, plus ça passe. Réveiller les aînés, dans la bouche de François Bayrou, ça signifie sucrer l’abattement fiscal des retraités dont il prévoyait déjà de geler les pensions. 10 % d’abattement pour frais professionnels pour des gens qui sont à la retraite, est-ce que c’est bien sérieux ? Eh bien c’est faux et archi faux. Cet abattement n’a rien à voir avec les frais professionnels. Il a été institué en 1978 par Raymond Barre – homme de droite s’il en est – pour pondérer la fiscalité des retraités confrontés à une baisse brutale de leurs revenus lorsqu’ils cessent d’être actifs. Mais que voulez-vous, François Bayrou fait partie de ces gens qui pensent qu’un mensonge mille fois répétés devient une vérité.
Personne ne le croit plus. Chacun sait bien qu’en réalité il n’y a pas une seule version, ça n’est pas François Bayrou ou l’apocalypse. C’est François Bayrou ou une autre solution, celle que nous proposons.
Olivier Faure, député « Socialistes et apparentés » et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 31/08/2025
A Blois où se tenait leur université d’été, les socialistes ont en effet présenté un projet de budget alternatif qui se propose de réduire le déficit de 21,7 milliards d’euros. Ce plan s’appuierait sur la mise en place de la taxe proposée par l’économiste Gabriel Zucman sur les patrimoines de plus de 100 millions. Elle devrait rapporter près de 27 milliards, ce qui permettrait de baisser la CSG et de relancer la consommation des ménages. S’ils envisagent d’aller à Matignon, les socialistes ne disent pas qui monterait dans leur bateau. Dans les coulisses de Blois, on espérait de la France insoumise un soutien sans participation au gouvernement. Comme les communistes l’avaient fait en 1936 avec Léon Blum. C’est raté.
Ils sont tous prêts à gouverner. Et ils donnent à tout le monde, c’est ce qu’elle a dit tout à l’heure Martine, je te jure, bon, et ils donnent à tout le monde la garantie suprême. Dans la phrase, à un endroit ou à un autre il est dit : “Sans LFI”. Mais on croirait qu’ils nous privent. Je crois que vous n’avez pas bien compris. Vous n’avez pas bien compris la situation. Nous ne soutiendrons aucun autre gouvernement que le nôtre. Est-ce que c’est clair ? Est-ce que tout le monde a bien compris ?
Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise, le 29/08/2025
Dans l’hypothèse où Emmanuel Macron viendrait à dissoudre l’Assemblée nationale, les grands équilibres ne seraient pas modifiés. C’est ce que met en évidence cette enquête de l’Institut Elabe pour la Tribune dimanche. Précision importante, les marges de progression se réfèrent à une enquête similaire réalisée par le même institut au mois de juin. On remarquera que la gauche désunie fait mieux que la gauche unie. Ce qui en dit long sur les fossés qui se sont creusés entre les anciens partenaires du Nouveau Front Populaire. Et, sans surprise, le RN reste en tête des intentions de vote dans tous les cas de figure.
Si demain, nous obtenons une majorité à l’Assemblée nationale, même dans le cas d’une cohabitation, je proposerai ma candidature au nom du Rassemblement national, au poste de Premier ministre, oui, bien sûr.
Jordan Bardella, député européen et Président du Rassemblement national, le 01/09/2025
Toujours Bardella à Matignon
L’année dernière, Jordan Bardella n’envisageait d’aller à Matignon que si son mouvement obtenait la majorité absolue à l’Assemblée, soit au moins 289 députés. Le président du parti a révisé ses ambitions. A partir de 280 sièges, il tentera l’aventure. Voilà pourquoi aujourd’hui, il parle simplement d’avoir une majorité. A l’Élysée, on rechigne encore à dissoudre l’Assemblée. Du coup, les conseillers travaillent sur un scénario assez lunaire qui verrait les socialistes rejoindre un gouvernement d’union. Ne rigolez pas, il y en au moins un qui prend cette hypothèse au sérieux : Gérald Darmanin dont le nom revient pour Matignon.
Ce dépassement politique, il faut continuer à le porter. Le général de Gaulle, en 1958, il avait des ministres socialistes dans son gouvernement. Je ne dis pas qu’il en faut, ne me faites pas dire ce que j’ai dit. Mais il faut des unions.
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, le 31/08/2025
A l’évidence, l’exécutif peine à prendre la mesure de la situation. Quand la crise sociale se combine avec une crise politique, ça s’appelle une crise de régime. Il vaut mieux le comprendre avant d’être emporté par la vague. Car on ne sait jamais où elle termine.