La gauche veut-elle vraiment gouverner ? Ce matin, Laurence Tubiana, candidate des socialistes, des communistes et des écologistes a jeté l’éponge.
Dans un courrier publié sur X, elle déclare : “Nous avons besoin d’une politique de revitalisation démocratique qui réponde à l’urgence sociale et aux enjeux de la transition écologique. Cependant je constate que mon nom a rencontré des oppositions au sein du NFP. Tout cela ne semble pas mener à l’apaisement dont nous avons tant besoin”.
Il y a quelques semaines, c’est Huguette Bello qui a dit “ciao”. La candidature de la présidente de la région Réunion ne soulevait pas l’enthousiasme des socialistes. Elle était trop proche des insoumis, estimaient les amis d’Olivier Faure. Et de rappeler qu’Huguette Bello figurait sur la liste de Manon Aubry pour les Européennes, certes à l’avant-dernière place, mais quand même… Cette fois, ce sont les insoumis qui ont traîné les pieds. Ils reprochent à Laurence Tubiana d’être Macron-compatible. Interrogé vendredi sur BFM, Jean-Luc Mélenchon a mis les points sur les i.
Nous ne nous résignons pas à ne pas avoir de candidat. Il y a eu une discussion. Si c’est pour nous rejouer la musique “c’est Olivier Faure ou personne” ou “madame Tubiana ou personne”, il n’y aura pas de nom. Voilà. Ce sont des choses qui sont possibles, qui ne dépendent pas de moi. Parce que tout ne dépend pas que de moi. Il y a quatre partis. Mais bon, ils peuvent décider aussi à trois de faire ce qu’ils veulent.
Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 19/07/2024
Ce week-end, dans un entretien accordé au grand quotidien italien La Republica, Jean-Luc Mélenchon envisage que la négociation autour d’une candidature pour Matignon s’éternise. “Douze jours, c’est peu comparé aux Allemands qui ont mis huit mois, aux Espagnols qui ont mis cinq mois, pour former un gouvernement, il n’y a rien d’extraordinaire.” Mais il met en garde le président de la République si celui-ci refusait de nommer un Premier ministre issu des rangs du Nouveau Front Populaire.
“Si le président de la République s’obstine à nier le résultat des élections, il va créer une telle crise qu’il n’y aura plus d’autre sortie que son départ. Tout ça est écrit d’avance. Si tout le monde bloque tout, la cocotte-minute explosera. Voilà.” Le chef des insoumis s’inscrit dans la perspective d’une élection présidentielle anticipée. Car le président de la République est clairement identifié comme le responsable de ce chaos institutionnel. De fait, les électeurs du Nouveau Front Populaire découvrent qu’être arrivés en tête ne leur ouvre pas pour autant les portes du pouvoir. Ceux du Rassemblement national constatent que ce parti, malgré ses 10 millions et demi de voix, reste marginalisé.
Les macronistes ont perdu le contrôle de l’Assemblée nationale
Si l’on additionne les électeurs de gauche déçus aux électeurs d’extrême droite déçus, ça commence à faire du monde. Cette colère cherchera tôt ou tard un débouché politique. Sauf à vouloir jeter une partie de la France dans la rue, il faudra bien que le président prenne une initiative politique forte. Car sa marge de manœuvre se réduit. L’élection de Yaël Braun-Pivet jeudi, à la présidence de l’Assemblée, l’avait sans doute rassuré. Mais, vendredi, un rebondissement est venu bousculer cette quiétude retrouvée. Les macronistes ont perdu le contrôle de l’Assemblée nationale.
Ce qu’il s’est passé c’est que, cette nuit, à 4 heures du matin à peu près, nous avons obtenu, nous le Nouveau Front Populaire, une grande victoire contre les macronistes puisque nous avons réussi à dégager une majorité à l’intérieur du bureau de l’Assemblée nationale. Ce que eux n’avaient pas prévu. Et nous l’avons fait seuls, parce que les députés du Rassemblement national sont allés se coucher vers minuit, trop fatigués sans doute par leur épuisante journée à l’Assemblée nationale.
Antoine Léaument, député LFI, le 20/07/2024
Grosse fatigue à l’Assemblée nationale
Le RN est parti se coucher. Mais les macronistes commencent à piquer du nez. Au fil des heures, ils désertent l’Assemblée. D’autant que sur le papier, ils sont assurés d’accaparer les 12 postes de secrétaires encore à pourvoir au sein du bureau. Arrive ce qui devait arriver : au troisième tour de scrutin les députés du Nouveau Front Populaire sont les plus nombreux.
Résultat : ils raflent neuf des douze sièges de secrétaires. Ces neuf sièges viennent s’ajouter aux trois sièges obtenus dans les heures précédentes par le Nouveau Front Populaire : deux postes de vice-présidents et un poste de questeur. Résultat : avec un total de douze sièges sur vingt-deux, la gauche est désormais majoritaire au sein du bureau de l’Assemblée nationale. Imposant ainsi à Yaël Braun-Pivet une cohabitation parlementaire inédite. La déroute macroniste ne s’arrête pas là.
Samedi, c’est l’insoumis Éric Coquerel qui est reconduit à la présidence de la Commission des finances, la plus importante commission de l’Assemblée. Et ce, grâce au désistement du député centriste Charles de Courson. Échange de bons procédés, celui-ci obtient en échange le poste de rapporteur du budget.
Je suis très heureux de continuer à faire ce travail qui me plaît beaucoup. J’espère qu’il ne durera pas très longtemps parce que ça voudrait dire qu’on gouverne. Je me suis engagé, si on gouverne, évidemment, à démissionner de ce poste de président de la Commission des finances. Je pourrai, je pense, continuer ma tâche ailleurs.
Charles de Courson rapporteur général, c’est un peu étonnant parce que d’habitude le rapporteur général fait partie du camp qui est du gouvernement. Ça a été la conséquence de la décision des groupes présidentiels de voter. Parce qu’à partir de là ils remettaient tout en question, et l’élection de Charles de Courson en découle. Charles de Courson est quelqu’un de valeurs, donc on va travailler en binôme.
Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, le 20/07/2024
L’ancien rapporteur du budget, Jean-René Cazeneuve, qui espérait être reconduit ne cache pas son aigreur d’être remplacé par Charles de Courson.
C’est la première fois sous la 5e République qu’un rapporteur général du budget est dans l’opposition. Ça ne permet pas de construire sereinement, intelligemment, un budget. Et Dieu sait que notre pays a besoin d’un budget aujourd’hui pour maîtriser ses dépenses publiques. C’est le plus grand dépensier. On parle de milliards de dépenses, en milliards, dans les amendements du nouveau rapporteur général du budget, Charles de Courson. Ca c’est une légende urbaine. C’est aussi, je vous encourage à regarder dans le détail, le député qui porte plus les amendements des lobbies.
Jean-René Cazeneuve, député EPR, le 20/07/2024
Le RN n’a obtenu aucune vice-présidence
Du côté du Rassemblement national et de ses alliés, on fulmine. Vendredi, le RN a perdu les deux vice-présidences qu’il détenait jusqu’à présent. Les macronistes les ont données à la Droite républicaine de Laurent Wauquiez en contrepartie de ses votes.
Moi je n’ai pas de déception personnelle. Je considère que la démocratie c’est le respect des électeurs. A partir du moment où près de 11 millions d’électeurs sont traités comme des parias, sont exclus en violation du règlement de l’Assemblée nationale, de tous postes au sein de cette institution, je ne suis pas déçue, je suis outrée.
Nous avons assisté, encore une fois, à des magouilles, à des manœuvres qui consistaient à essayer de s’arracher les places et si possible les places auxquelles vous n’aviez pas droit. Ça a été le cas, encore une fois, pour les LR. Comment appelle-t-on un pacte qui consiste à obtenir des voix en contrepartie d’avantages indus ?
Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 20/07/2024
Éric Ciotti ne se montre pas plus tendre.
Monsieur Wauquiez est désormais un petit pion de la majorité macroniste. Monsieur Wauquiez est désormais le petit collaborateur de monsieur Attal dans cette assemblée.
Éric Ciotti, député UDR et président du groupe À droite à l’Assemblée nationae, le 20/07/2024
La gauche a-t-elle envie de gagner ?
Le Nouveau Front Populaire, même s’il n’est pas parvenu à porter le communiste André Chassaigne à la présidence de l’Assemblée nationale, n’est donc pas en si mauvaise situation. Mais la gauche a-t-elle envie de gagner ? C’est la question que pose François Ruffin.
On sort des législatives, les macronistes ont perdu, et on a quand même Braun-Pivet au perchoir. Maintenant, c’est vrai que… la gauche, quelle nullité quoi. Ça recommence. Ca recommence parce que, je le dis, ils ont été nuls pendant deux ans, ils ont été nuls pendant les six mois de campagne européenne, on avait une gauche en miette avec le moral dans les chaussettes, le 9 juin parce qu’ils y étaient allés chacun dans leur couloir, Parti communiste, Parti socialiste, France insoumise, les Écologistes.
Vous leur avez mis la pression pour leur dire “soyez unis, arrêtez vos conneries”. Mais là ça recommence. Ça recommence. Ça fait deux semaines, on n’est pas foutus de donner un nom pour Matignon. Ils aiment perdre, c’est le choix de la défaite, ils ne veulent pas gagner, ils ne veulent pas gouverner.
François Ruffin, député écologiste et social, le 21/07/2024
Chaque jour qui passe est un répit offert au président de la République pour rechercher une autre solution. Par exemple un pacte avec Laurent Wauquiez ou bien, comme il se murmure, une large coalition dont Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, pourrait être la cheville ouvrière. Si elle est incapable d’un sursaut dans les heures qui viennent, la gauche se condamne à sortir de l’écran.