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Changements de style

C’est un étrange basculement qui s’est opéré depuis l’ouverture de la discussion budgétaire. Les députés de la France insoumise, à une ou deux exceptions près, ont abandonné la stratégie du bruit et de la fureur théorisée par Jean-Luc Mélenchon. Alors que dans le même temps, le Rassemblement national a semblé renouer, au moins lors de sa niche parlementaire, avec la brutalité coutumière de l’extrême droite. Le député du Loiret, Thomas Ménagé, plutôt courtois d’ordinaire, a joué les procureurs d’estrade avec une violence qu’on ne lui connaissait pas. Et le groupe, d’ordinaire silencieux, s’est laissé aller au jeu des imprécations à répétition.

Le RN veut rassurer sa base

Cette démonstration de radicalité a une explication. Marine Le Pen et Jordan Bardella ne veulent pas, pour l’instant, joindre leurs voix à une éventuelle motion de censure sur le budget. En difficulté devant le tribunal judiciaire de Paris, le Rassemblement national souhaite éviter la confusion des genres. Mais la base s’impatiente. Pourquoi ménager le gouvernement et, par ricochet, le Président ? Pour les rassurer, le groupe parlementaire roule donc du muscle. La pilule sera plus facile à avaler lorsque viendra l’heure du vote.

LFI veut rompre l’isolement

Du côté de la France insoumise, le splendide isolement dans lequel le mouvement s’est enfermé depuis le 7 octobre 2023, à force de lire l’actualité au seul prisme de Gaza, appelait des changements.

Sur la forme d’abord. Les incidents de séance ont pratiquement disparu. Comme les happenings divers. Le nombre des amendements a retrouvé des proportions normales. Et l’obstruction systématique est presque un lointain souvenir.

La culture du compromis

Sur le fond, le mouvement se montre ouvert au compromis alors que Jean-Luc Mélenchon ne jurait que par le programme et rien que le programme au soir des législatives.

L’étonnant duo formé par Éric Coquerel et Charles de Courson n’est pas étranger à cette mue. L’insoumis, que son mandat de président de la Commission des finances a transformé, affiche désormais une authentique culture gestionnaire. Sans pour autant laisser la logique comptable l’emporter sur la volonté politique, il accepte d’entrer dans le détail des mécanismes budgétaires.

Aurait-on imaginé, il y a quelques mois encore, que le Nouveau Front Populaire puisse tomber d’accord sur la proposition d’augmenter les cotisations sociales afin d’équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse ? Une augmentation qui n’aurait affecté que les hauts revenus, permettant ainsi de ramener l’âge de départ en retraite à 62 ans.

Afficher les compétences

Le temps de l’agit-prop est terminé. La France insoumise entend faire la démonstration qu’elle réunit les compétences qui lui permettraient demain de diriger le pays. Il est vrai qu’elle détient désormais deux postes de vice-présidente de l’Assemblée nationale (Nadège Abomangoli et Clémence Guetté) qui la contraignent à une certaine sobriété. Imagine-t-on Sébastien Delogu brandir un drapeau palestinien dans l’hémicycle tandis que la séance est présidée par une de ses camarades de parti ?

Mélenchon en route pour une quatrième candidature

Enfin, cette « notabilisation » des députés LFI trahit la prochaine candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle. Désormais libéré de toute contestation interne après les purges de juin dernier et le départ de François Ruffin, le leader insoumis se tient prêt. Comme de nombreux responsables politiques, il estime qu’Emmanuel Macron n’ira pas au terme de son mandat.

Cette posture raisonnable sera-t-elle pérenne ? Et surtout, sera-t-elle récompensée dans les urnes ? Les élections municipales de 2026 livreront les premières réponses.

Serge Faubert

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