Sans doute Emmanuel Macron, enfant, n’a-t-il pas suffisamment joué aux petits soldats. Jamais, par temps de paix, un président n’avait autant convoqué la rhétorique guerrière.
Du “nous sommes en guerre” de la période Covid au “réarmement civique” de la nation courant janvier, en passant par le Service national universel et l’uniforme à l’école, on se dit que le chef de l’État aurait dû faire Saint-Cyr plutôt que l’ENA. Même si ses attributions prévoient qu’il est chef des armées.
Lundi soir, Emmanuel Macron a délivré une nouvelle preuve de sa fascination pour l’art de la guerre.
Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endosser des troupes au sol. Mais en dynamique rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.
Beaucoup de gens qui disent “jamais, jamais aujourd’hui” étaient les mêmes qui disaient “jamais, jamais des tanks, jamais, jamais des avions, jamais, jamais des missiles de longue portée, jamais, jamais ceci” il y a deux ans.
Je vous rappelle qu’il y a deux ans, beaucoup autour de cette table disaient : “Nous allons proposer des sacs de couchage et des casques”. Et aujourd’hui disent : “Il faut faire plus vite et plus fort pour avoir des missiles et des tanks”.
Conférence de soutien à l’Ukraine 26/02/2024
En clair, la question de l’engagement des troupes françaises en Ukraine est sur la table. Faut-il prendre au sérieux Emmanuel Macron ? Le passé récent ne plaide pas pour lui.
Lors de son voyage en Israël, fin octobre de l’année dernière, il avait proposé de former une coalition militaire internationale contre le Hamas. Après une escale en Cisjordanie puis au Caire, la coalition, de militaire, était devenue humanitaire.Et aujourd’hui, c’est l’idée même de coalition qui a disparu au profit d’un appel au cessez-le-feu.
Il y a pourtant un fond de réalité dans les propos d’Emmanuel Macron, si l’on s’en réfère à cette réponse de Stéphane Séjourné, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,lors des questions d’actualité à l’Assemblée.
Au-delà, nous devons envisager de nouvelles actions de soutien à l’Ukraine.Celles-ci doivent répondre à des besoins très précis. Je pense notamment au déminage, au cyber, à la production d’armes sur place, sur le territoire ukrainien.
Certaines de ces actions, pourraient nécessiter une présence sur le territoire ukrainien sans franchir le seuil de belligérance.
QAG 27/02/2024
Dans un avenir proche, il pourrait donc y avoir des conseillers militaires français sur le sol ukrainien. Non pour combattre, mais pour former les soldats ou assurer la maintenance du matériel français. En particulier le canon automoteur CAESAR qui tire des obus de 155 à une distance de 40 kilomètres. Cet obusier furtif réclame moins de trois minutes pour être mis en batterie, tirer six munitions et évacuer les lieux. Ce qui rend les tirs de l’artillerie adverse inopérants.
Mais tous les 2500 coups, le tube du Caesar doit être changé pour conserver sa précision. Va-t-on faire revenir en France les camions et leur pièce d’artillerie ou bien procéder à l’opération de maintenance sur place ? Pour des raisons de coûts et de disponibilité, l’Élysée et la Défense penchent pour la deuxième solution.
Question simple alors : si un missile russe frappe une zone où des soldats français se livrent à ces opérations logistiques, si plusieurs d’entre eux sont tués, comment devra réagir la France ? Serons-nous en situation de légitime défense appelant une riposte ? Et quel sera le degré de celle-ci ?
Le risque d’engrenage est donc réel. A-t-il été mesuré ? Éric Ciotti ne le croit pas.
Qu’est ce qu’il recherche ?Est-ce que cette soif permanente de tout faire tourner autour de lui ne va pas le conduire à entraîner notre pays dans une escalade risquée, dangereuse, qui compromettrait notre sécurité en nous engageant de plus en plus dans un conflit face à une puissance nucléaire.
Que cherche Macron, demande Éric Ciotti ?
Le député LFI Éric Coquerel apporte un élément de réponse.
Je crains, malheureusement, qu’il cherche à se dégager d’une situation politique interne catastrophique pour lui en jetant comme ça un élément dans la campagne qui permettrait de dévier le sentiment des Français sur ces questions. Mais il joue avec le feu, très clairement.
Je vais vous dire : j’espère que c’est ça. Parce que dans ces cas-là, c’est déjà grave, ça dévalorise la parole de la France mais j’espère qu’il ne pense pas réellement ce qu’il dit.Parce que si la France fait ça, on devient belligérant. Si on est belligérant, on est belligérant face à une nation qui a l’arme atomique comme nous.
Cette volonté d’instrumentaliser le conflit russo-ukrainien au profit de la campagne pour les européennes était patente mardi.
Le bloc présidentiel tente d’installer une ligne de partage entre les anti-Poutine déclarés et les pro-Poutine supposés. À commencer par le Rassemblement national. Le Premier ministre ne prend pas de gants pour accuser Marine Le Pen d’être la 5e colonne de la Russie en France :
Si vous aviez été élue en 2022, Madame Le Pen, on ne serait pas en train de fournir des armes aux Ukrainiens pour se défendre, on serait en train de fournir des armes à la Russie pour écraser les Ukrainiens. C’est ça la réalité, c’était dans votre programme.
Je vais vous le dire, madame Le Pen : quand on lit les enquêtes qui sont réalisés, encore celle du Washington Post le 30 décembre dernier, il y a lieu de se demander si les troupes de Vladimir Poutine ne sont pas déjà dans notre pays. Je parle de vous et de vos troupes madame Le Pen.
Réponse de Marine Le Pen, quelques minutes plus tard, salle des quatre colonnes.
Le chef de l’État a pris, a improvisé une déclaration qui est complètement stupéfiante au sens où elle a commencé par diviser toute l’Union Européenne, tous les chefs d’État et de gouvernement ont désavoué, à l’heure où nous nous parlons, les paroles prises par Emmanuel Macron à un moment où la résistance ukrainienne a au contraire besoin de notre unité pour faire face à l’agresseur russe.
Et donc je considère qu’il y a là une faute grave à laquelle ni le Premier ministre ni son ministre des Affaires étrangères n’ont répondu cherchant à éviter le débat et à ne pas rentrer, à ne pas soutenir même, les déclarations d’hier du chef de l’État.
Le ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a annoncé la tenue prochaine d’un débat sur l’Ukraine.
Le vote en question n’a pas davantage de valeur qu’un sondage d’opinion. Il n’oblige en rien le gouvernement. Et Emmanuel Macron gardera les mains libres. Ce qui n’est pas forcément rassurant.