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Bayrou : la lune de miel avec les socialistes, c’est fini

François Bayrou, Premier ministre, le 19/02/2025 ©Assembléenationale

Mais quelle mouche a donc piqué François Bayrou ? En 48 heures, il a ruiné le patient travail de séduction qu’il avait entamé en direction des socialistes dès son arrivée à Matignon. Mercredi, à l’occasion de la motion de censure déposée par le PS, le Premier ministre a sorti l’artillerie lourde contre Olivier Faure et ses amis.

Voilà la motion de censure la plus cousue de fil blanc de toute l’histoire parlementaire. Pour faire semblant de manière à enlever à Jean-Luc Mélenchon un angle de sarcasme contre vous. Mais vous ne détournerez rien car vous aurez les sarcasmes et vous aurez le ridicule.

Vous passez à côté de choses bien plus profondes que l’addition de Marx, Lénine, Staline et Trotsky réunis. Vous faites avec la bouche en cul de poule le lit de toutes les instrumentalisations.

Et c’est le même responsable politique qui vêtu de probité candide et de lin blanc, j’imagine d’un peu de fond de teint pour effacer le rouge de la honte, dit hier à la radio que nous sommes connivents avec l’extrême droite et même en fusion idéologique avec l’extrême droite.

François Bayrou, Premier ministre, le 19/02/2025

La veille, lors des questions au gouvernement, le Premier ministre avait tenté une contre-attaque brutale sur l’affaire de Notre-Dame de Bétharram.

Si je ne savais pas, d’autres savaient. Parce que j’affirme devant vous, et vous le vérifierez, que le procureur général, lui, a tenu informé la chancellerie sur ces affaires à quatre reprises dans l’année 1998. Le ministre de la Justice était Elisabeth Guigou.

Qui était le ministre de l’Éducation nationale ? C’était Claude Allègre. Qui était la ministre chargée de l’enseignement scolaire ? C’était Ségolène Royal.

Donc je pose la question, à mon tour : Qu’est ce qui a été fait après les signalements du procureur général pour que soient entreprises les démarches que vous recommandez ?

François Bayrou, Premier ministre, le 18/02/2025

A la différence de Michel Barnier, François Bayrou prétendait gouverner le pays en passant des compromis avec le Parti socialiste. Ça tombait bien, celui-ci voulait s’émanciper de la tutelle insoumise sur le Nouveau Front Populaire. Menacé par ses oppositions internes, Olivier Faure avait besoin d’affirmer son indépendance à la veille d’un congrès incertain.

En signe de bonne volonté, le PS n’a donc pas voté les cinq motions de censure déposées par le NFP sur le budget. Il y a encore quelques jours, aucun nuage dans le ciel n’annonçait la fin de l’idylle. Même pas la motion de censure socialiste examinée hier mercredi.

Une motion de censure pour de faux

Chacun savait qu’elle n’était qu’une gesticulation destinée à rappeler que les socialistes étaient toujours dans l’opposition. Car le Rassemblement national avait annoncé qu’il ne voterait pas ladite motion. Bref, on était entre gens bien élevés.

Mais le centriste pyrénéen est retors. Si François Bayrou affirmait rechercher le compromis, ce n’était que pour faire passer son budget. Une fois celui-ci adopté, le palois sans foi ni loi, a renversé les alliances. Désormais, c’est avec la droite et le Rassemblement national qu’il entend naviguer à la godille. Comme à Venise, la destination des amoureux.

Pourquoi ? Parce qu’il n’a rien à donner à la gauche. Et certainement pas l’abrogation de la réforme des retraites. Cette question revient justement sur le tapis après que la Cour des comptes a contredit aujourd’hui les estimations de François Bayrou. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait chiffré le déficit des régimes de pension à 55 milliards d’euros.

Dans leur rapport, les magistrats de la rue Cambon l’ont ramené à 15 milliards d’euros à l’horizon 2035. L’issue du conclave sur les retraites s’annonce passablement conflictuelle. Pour le locataire de Matignon, il devient urgent de changer de cheval. Comme aurait dit Henri IV en contemplant son destrier gris, de poussière comme chacun sait. Justement, à droite, l’horizon s’éclaircit. La guerre des chefs s’installe entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez.

Quant au Rassemblement national, il se montre prêt à toutes les concessions pourvu que Marine Le Pen puisse se présenter à l’élection présidentielle. Le terrain est propice à toutes les manœuvres. A preuve la désignation de Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel. Il s’en est fallu d’une voix pour que ce macroniste de la première heure soit barré par un veto parlementaire.

C’est grâce à l’abstention d’une quinzaine de députés du Rassemblement national que Richard Ferrand a finalement obtenu le poste convoité. Ce qui fait sortir de ses gonds Olivier Marleix. Avec Laurent Wauquiez et les autres députés LR, il s’est opposé à la nomination de Richard Ferrand. Alors qu’au Sénat, les partisans de Bruno Retailleau se montraient plus conciliants…

C’est grâce à madame Le Pen, grâce au choix de Marine Le Pen que la France va avoir un président du Conseil constitutionnel qui portera pendant neuf ans, donc bien au-delà du mandat de monsieur Macron, un président du Conseil constitutionnel qui est un des plus proches du chef de l’État.

C’est absolument incompréhensible comme décision du Rassemblement national. Et évidemment, ça interroge sur le dessous des cartes. J’ai cru comprendre que le Conseil constitutionnel aurait bientôt une QPC à examiner qui pourra avoir de l’influence sur l’avenir de Marine Le Pen.

Olivier Marleix, député Droite Républicaine, le 19/02/2025

Le problème Richard Ferrand

Une QPC. Autrement dit une question prioritaire de constitutionnalité. Tout justiciable peut en effet contester la constitutionnalité d’une disposition législative applicable à son cas. En la circonstance, Olivier Marleix fait référence à un dossier précis.

A la fin du mois de mars, le Conseil constitutionnel se prononcera sur le cas d’un élu de Mayotte condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Si le Conseil dit que l’exécution provisoire ne peut s’appliquer s’agissant d’un élu, parce que les électeurs seraient lésés dans leur choix, alors cette décision fera jurisprudence.

Marine Le Pen, même si elle est condamnée dans l’affaire des vrais-faux assistants parlementaires, pourra quand même se présenter à l’élection présidentielle. Qui présidera le Conseil constitutionnel lorsque la décision sera rendue ? Je vous le donne en mille : Richard Ferrand, celui-là même dont le Rassemblement national a permis la désignation.

Bien sûr, on peut considérer que l’ancien président de l’Assemblée nationale est la vertu incarnée. Même si son nom a été mêlé à une vilaine affaire immobilière avant que la prescription ne le mette à l’abri de poursuites pour prise illégale d’intérêt. Les macronistes veulent croire à sa rédemption.

D’abord, monsieur Marleix, il a perdu une occasion de faire de la vraie politique et pas de la petite politique. Ensuite, le Sénat et l’Assemblée ont parlé. Le président du Conseil constitutionnel, avec l’ensemble du Conseil constitutionnel aura l’occasion de montrer qu’on a aujourd’hui l’instance suprême qui est nommée, qui est élue, qui va pouvoir faire son travail. Moi je n’ai aucun doute là-dessus.

Il a été élu. Le processus il est tel quel. Maintenant, j’allais dire passons à autre chose, passons aux vrais sujets qui est le fonctionnement de cette instance suprême qui juge de la validité d’un certain nombre de lois votées ici par rapport à la Constitution. Moi je suis persuadé qu’il fera, avec les autres membres du Conseil, un très bon travail.

Roland Lescure, député EPR et vice-président de l’Assemblée nationale, le 19/02/2025

Mais disons les choses comme elles sont : cette nomination alimentera toujours la suspicion.

Si même les Républicains disent que quand même ça commence à faire beaucoup que monsieur essaie de placer Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel et que le Rassemblement national de son côté finit par dire : “Non mais tout ça n’est pas grave, on s’abstient, on ne participe pas à tout ça”.

Je trouve qu’il commence à y avoir des questions qui se posent sur la docilité du Rassemblement national vis-à-vis du macronisme. C’est que soit ils ont décidé de passer d’une certaine manière dans la majorité avec Emmanuel Macron. Soit effectivement ils ont négocié un certain nombre de choses avec lui.

Antoine Léaument, député LFI, le 19/02/2025

On peut imaginer qu’il y a un jeu “je te passe le sel, tu me passes le poivre”. Richard Ferrand vient de passer, on imagine mal que madame Le Pen qui fait de la politique, qui est une femme sérieuses et structurée, rende un tel service à Richard Ferrand sans que ce dernier considère quelque chose qui l’amènera à avoir une attitude peut-être un petit peu plus coulante avec des décisions qui concernent madame Le Pen.

Alexis Corbière, député Écologiste et social, le 19/02/2025

Les affaires de Marine Le Pen

A la possibilité pour Marine Le Pen de se présenter à la présidentielle, il faut encore ajouter la conception pour le moins extensive de Richard Ferrand sur l’article 11 de la Constitution. Celui qui permet d’organiser des référendums.

Ce juriste du dimanche considère que l’on pourrait organiser un référendum sur l’immigration dans le cadre de l’actuelle Constitution. Et tant pis si tous les profs de droit disent le contraire. On imagine le bénéfice que Marine le Pen pourrait retirer de pareille exégèse en cas de victoire.

Billevesées que voilà. Le Rassemblement national n’a voulu qu’éviter le pire à ses électeurs. Accrochez vos ceintures, la cascade est sans filet.

Ces accusations venant des participants au fameux parti unique de l’élection législative dernière est un peu fort de café, si vous me le permettez. Il se trouve quand même que ça fait à deux reprises que les LR ou que la France insoumise fait élire Emmanuel Macron.

Il se trouve que la nomination de Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel, c’est la volonté d’Emmanuel Macron. S’il ne voulait pas de Richard Ferrand au Conseil constitutionnel, dans ce cas-là il ne fallait pas avoir Emmanuel Macron à l’Elysée tout simplement.

Qu’est ce qu’on aurait eu à la place de monsieur Richard Ferrand si ça n’avait pas été Richard Ferrand ? Éric Dupond-Moretti, Christiane Taubira ou d’autres encore ? Je ne suis pas certain que les électeurs du Rassemblement national auraient été plus satisfaits de cela.

Gaëtan Dussausaye, député RN, le 19/02/2025

François Bayrou est donc assuré de quelques mois de répit. Le temps que les LR se trouvent un chef et que Marine Le Pen ait la certitude de pouvoir briguer l’Élysée. Pour le Béarnais, c’est déjà une éternité…

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