C’est une indignation qui s’est largement exprimée sur les barrages des agriculteurs. Et qui prospère jusque dans les commentaires des vidéos de Pure politique. Des millions de Français sont indignés par la rallonge budgétaire que se sont récemment octroyée les députés.
Le 24 janvier, le bureau de l’Assemblée nationale a en effet décidé d’augmenter de 300 euros, l’avance mensuelle des frais de mandat des députés. L’AFM, c’est son acronyme, passe ainsi de 5 645 euros à 5 950 euros. Soit une augmentation de 5,4 %. Raison invoquée : l’inflation.
La présidente du groupe parlementaire LFI, Mathilde Panot, se déclare hostile à cette augmentation :
Il faut comprendre que l’avance des frais de mandat ça nous sert pour payer nos permanences pour recevoir les gens, pour faire nos cérémonies de vœux, pour rendre compte de notre mandat, etc. Donc évidemment que comme tout le monde on est confronté à l’inflation, que ça soit sur l’énergie, que ça soit sur l’alimentaire, que ça soit aussi notre présentation. Ce n’est pas pour nous personnellement. Mais pourquoi est-ce scandaleux ? Parce qu’il n’est pas normal que ça commence par les frais de mandat des députés. Ça, ce n’est pas possible.
Aucun député du bureau n’a voté contre l’augmentation
Cependant les députés LFI présents à la réunion du bureau se sont contentés de s’abstenir. Cette augmentation faisait partie d’un lot de mesures – votées en bloc – dont certaines ont été accueillies favorablement par le groupe insoumis. Ainsi la prise en compte dans les frais de mandat des dépenses engagées pour la garde des enfants lors des séances de nuit. Tous les autres membres du bureau ont voté pour le paquet de mesures proposé.
Du côté des socialistes, on était également opposé à cette rallonge. Mais leur représentante, Valérie Rabaut, vice-présidente de l’Assemblée nationale, n’a pu rester jusqu’au moment du vote. C’est bien dommage.
Quoi qu’il en soit, Christine Pirès-Beaune, une des porte-parole du groupe, s’avoue choquée par la décision du bureau.
Les sénateurs se sont augmentés de 1000 euros
Elle choque, cette décision, de même que la décision des sénateurs de s’augmenter de 700 euros, plus 300 euros pour leur logement, donc 1000 euros au total.Elle choque tout le monde et à titre personnel je peux vous dire qu’elle me choque aussi et qu’ils ont raison d’être choqués, les agriculteurs, comme tous les Français.
Comme le rappelle opportunément la députée du Puy-de-Dôme, les sénateurs se sont accordé une double augmentation en novembre 2023. 700 euros de plus, chaque mois, sur l’avance des frais de mandat. Et 300 euros mensuels pour l’hébergement des élus dans la capitale. Des fois que Gérard Larcher aurait été obligé de dormir sous une tente Quechua.
Pour en revenir à Christine Pirès-Beaune, la députée a reversé à la fin de son précédent mandat, celui de la législature 2017-2022, le solde de son avance sur frais de mandat.
Personnellement j’ai remis 34 000 et quelques euros. Donc à la fin de mon mandat, je remettrai le solde et je m’engage d’ores et déjà, et j’invite mes collègues, je le dis avec solennité, j’invite tous mes collègues à ne pas utiliser ces 300 euros pour pouvoir les redonner à l’Assemblée nationale. Parce qu’encore une fois j’entends que l’inflation, effectivement, elle est pour tout le monde et y compris elle s’applique aux parlementaires,mais je crois quand même que cette inflation est absorbable, je le crois, sans augmentation.
Du côté des communistes, on est également opposé à l’augmentation. Le député Sébastien Jumel juge la mesure déconnectée.
Ce n’était pas le moment. Nous n’avons pas été concertés, on ne nous a pas demandé notre avis. Qu’on pose d’une manière apaisée la question des moyens de la démocratie, c’est plutôt sain. Qu’on le fasse dans un contexte où la macronie refuse d’indexer les salaires sur le SMIC et de prendre en compte l’uppercut du pouvoir d’achat, c’est une humiliation dont on se serait bien passé.
Malheureusement, la représentante des communistes à la réunion du bureau s’est pris les pieds dans le tapis, puisqu’elle a voté en faveur de l’augmentation.
Augmenter la rémunération des collaborateurs
Le député Benjamin Saint-Huile, porte-parole du groupe LIOT, dénonce également la mesure :
Nous avons fait une communication dans les jours qui ont suivi cette annonce pour dire que nous regrettions cette annonce au regard de la citation des Français et de la difficulté de l’expliquer. Nous considérons que au moment où nos concitoyens vivent une situation de grande tension sur la question du pouvoir d’achat, c’est un mauvais signal et nous avions fait la demande auprès de la présidence que cette mesure ne soit pas appliquée.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet n’a pas répondu à cette requête.
Pour le député LR Pierre-Henri Dumont, le bureau de l’Assemblée aurait mieux fait d’augmenter la rémunération des collaborateurs parlementaires :
Aujourd’hui on a des collaborateurs parlementaires qui ne sont clairement pas assez payés et ça empêche d’être un vrai contre-pouvoir au gouvernement qui eux ont des services administratifs que nous on n’a pas parce qu’on ne peut pas payer convenablement nos collaborateurs. On ne va pas payer des Bac plus 5 à 1500 euros par mois, ce n’est pas possible. Moi sur mon enveloppe de frais de mandat, j’ai 1000 euros qui partent directement dans mon crédit collaborateurs chaque mois. Pour mieux payer mes collaborateurs, pour avoir des collaborateurs de meilleur niveau et puis pour faire face au coût de la vie pour eux à Paris.
Manif à l’Assemblée
Le 7 novembre de l’année dernière, la lutte des classes s’est invitée sur les marches du Palais Bourbon. Les collaborateurs parlementaires, tous partis politiques confondus, ont organisé une journée de grève, assortie d’une micro manif dans le jardin de l’Assemblée nationale. Du jamais vu.
Au regard de la plupart des démocraties modernes, la France fait figure de parent pauvre en matière de ressources humaines mises à la disposition des représentants du peuple.
Pour scandaleuse qu’elle soit, cette augmentation des frais de mandat ne doit pas faire oublier cette situation. Si l’on veut que la démocratie fonctionne mieux, il faut des collaborateurs en nombre suffisant. Ce qui n’est pas exclusif d’un contrôle plus rigoureux des dépenses.