Samedi 25 février, Emmanuel Macron a inauguré le Salon de l’agriculture. Quatorze heures de déambulation dont l’objectif n’était pas tant de flatter les agriculteurs que de sortir d’une séquence retraite abrasive. La cote de popularité du chef de l’État est tombée à 34 %. Le pire résultat depuis trois ans. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, le président de la République est surtout venu vendre son prochain coup : la revalorisation du travail.
Je trouve que le continent qu’il y a derrière cette réforme des retraites, c’est au fond la grande question du travail. Je l’ai ouverte il y a cinq ans, on n’a pas arrêté de faire des réformes, on en a continué avec l’assurance chômage. Moi je ne sens pas de colère, je sens une inquiétude. Il faut bâtir un cap commun. Ça va être aussi à moi, dans les prochains mois, de le donner.
Emmanuel Macron, BFMTV, 25 février 2023.
Une carotte
Pour la colère, on verra ça le 7 mars. Ce qui est sûr, c’est qu’à la veille de cette journée décisive, le chef de l’État tente de brandir une carotte après avoir manié le bâton. En substance, il dit aux Français : « Vous allez travailler davantage, mais on va améliorer vos conditions de travail. » Venant d’Emmanuel Macron, le président qui a achevé de détricoter le Code du travail à grands coups d’ordonnances, il y a tout lieu d’être inquiet. Surtout lorsqu’il inscrit son action dans la continuité de la réforme de l’assurance chômage. Pour ceux qui l’auraient déjà oublié, la durée d’indemnisation a été réduite de 25 %.
Alors, qu’y a-t-il dans cette future loi travail censée transformer le salariat en rêve éveillé ? Olivier Véran en a révélé l’architecture mercredi dernier.
Il y aura des mesures qui vont porter sur la formation et l’apprentissage. Il y aura des mesures qui concerneront probablement les bénéficiaires du RSA, comme nous nous y sommes engagés pendant la campagne, pour amener davantage de formation et d’activité professionnelle à ceux qui le peuvent et qui bénéficient aujourd’hui du RSA. Il y aura aussi des dispositifs, et j’y tiens énormément, nous y tenons énormément, sur le bien travailler, sur l’organisation du travail. Il y aura également des mesures pour transcrire dans la loi ce que les syndicats auront signé, s’ils le signent, je ne m’engage pas à leur place mais c’est plutôt en bonne voie de ce que j’ai compris, sur un meilleur partage de la valeur qui concernerait toutes les entreprises dès 11 salariés, là où aujourd’hui les règles ne concernent les entreprises qu’à partir de 50 salariés, pour faire en sorte qu’il y ait des dispositifs de participation. Il y aura aussi des mesures peut-être plus techniques et qui concerneront dans les suites de la réforme des retraites.
Olivier Véran, ministre délégué, porte-parole du gouvernement, Conseil des ministres, 22 février 2023.
Craintes d’emplois déguisés
« Des mesures qui concerneront probablement les bénéficiaires du RSA », annonce Olivier Véran. Comme c’est délicatement dit. Voici ce dont il s’agit : depuis le 6 janvier de cette année, dix-neuf départements expérimentent un nouveau dispositif. Pour percevoir le revenu de solidarité active, les bénéficiaires doivent consacrer 15 à 20 heures par semaine à des activités les rapprochant de l’emploi. Soit une formation, soit un travail proprement dit. Les allocataires sont inscrits d’office à Pôle emploi. Pour 40 % d’entre eux, ils l’étaient déjà. Certains penseront que c’est là un excellent moyen de remettre en selle des gens qui ont basculé dans la précarité.
Malheureusement, ça reste une vision optimiste de la mesure. Car des associations, comme l’ONG ATD Quart-Monde, redoutent que ces heures de rapprochement vers l’emploi ne deviennent des emplois déguisés. Des emplois qui seront payés un peu moins de la moitié du smic. Pour une personne seule, sans enfant à charge, le RSA s’élève à 598 euros. Le smic mensuel, lui, est à 1 353 euros. Il y a environ 1,9 million personnes inscrites au RSA, ce qui fait autant d’emplois à trouver. Le marché du travail n’étant pas extensible à l’infini, on va donc mordre sur les emplois déqualifiés qui, jusque-là, étaient payés au smic. Mécaniquement, les salaires vont être tirés vers le bas. Une aubaine pour les entreprises. Mais pas pour les salariés. En fait de revalorisation du travail, c’est surtout la multiplication des travailleurs pauvres que prépare Emmanuel Macron.